Mettez à profit le temps présent

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Mettez à profit le temps présent car les jours sont mauvais !



Par Judith van Vooren



Chers frères et soeurs, chères amies, chers amis,


Si vous marchez dans la nuit, si la vie est obscure autour de vous,

si votre avenir est incertain et votre présent douteux, si vous avez peur du lendemain…
écoutez alors cette très ancienne parole d’espérance
et vivez en fonction d’elle :
la joie et la vie, la force et le courage
vous sont donnés par celui dont la Présence monte en vos coeurs.


Que nous puissions être unis dans la lecture et la méditation
de la Parole.
Que par son Esprit, l’Éternel nous vienne en aide pour y découvrir
les traces de l’espérance et de la vie nouvelle,
qui nous est promise en Christ Jésus, notre Seigneur !


Je voudrais continuer avec vous la méditation du livre de l’Exode, ce magnifique récit qui raconte comment un peuple opprimé trouver son
chemin vers la liberté. C’est important , surtout aujourd’hui, de maintenir le rythme autant que faire ce peut et de continuer le projet
de lecture prévu puisqu’avec Exode nous cheminerons jusqu’au matin de Pâques !


Nous étions arrivés aux chapitres qui nous racontent les fléaux qui frappaient le pays d’Égypte, face à l’entêtement du pharaon. La dernière fois que nous nous sommes vus nous avons parlé de ce troisième fléau des poux ou des moustiques dont il est question au huitième chapitre.

Nous allons faire l’impasse sur quelques fléaux pour aborder aujourd’hui une plaie, une frappe tout à fait particulière puisqu’il s’agit des ténèbres qui dureront trois jours, période symbolique qui invite à revenir vers soi, vers l’autre et vers Dieu.


Nous lisons Exode 10, verset 21 – 28


Le Seigneur dit à Moïse : « Lève ton bras vers les cieux ! Que l'obscurité se répande sur l'Égypte, une obscurité si épaisse qu'on puisse la toucher. » Moïse leva son bras vers les cieux. Alors une obscurité totale régna pendant trois jours sur l'Égypte. Durant ces trois jours, les Égyptiens furent incapables de se voir les uns les autres, si bien que personne ne bougea de chez soi. Par contre, il faisait clair dans la région où les Israélites habitaient. Le pharaon convoqua Moïse et lui dit : « Allez ! Rendez un culte au Seigneur. Vous pouvez même emmener vos familles. Seuls vos moutons, vos chèvres et vos boeufs demeureront ici. – Pas du tout, déclara Moïse. Tu nous remettras toi-même des bêtes que nous offrirons au Seigneur notre Dieu en sacrifices de paix et en sacrifices complets. En plus, nous emmènerons nos troupeaux ; pas une seule de nos bêtes ne restera ici. Nous en offrirons un certain nombre au Seigneur notre Dieu, mais nous ne saurons pas lesquelles avant d'être arrivés sur place. »


Le Seigneur poussa le pharaon à s'entêter, de sorte qu'il ne voulut pas les laisser partir. Il dit à Moïse : « Sors d'ici ! Prends garde de ne plus reparaître devant moi ! Si jamais tu reviens chez moi, tu mourras ! – Bien ! répondit Moïse. Comme tu l'as dit, je ne reparaîtrai plus devant toi. »


Ce dixième chapitre, neuvième plaie, neuvième frappe, est au fait une frappe très étonnante. Elle est particulière parce qu’elle n’est pas menaçante comme c’était le cas par exemple de la peste du bétail, le cinquième fléau qui faisait périr tous les troupeaux du pharaon. Moins menaçant aussi que la vermine ou la grêle, meurtrière elle aussi : ‘tout homme, toute bête qui seront trouvés au champs et n’auront pas été ramenés à la maison, la grêle leur tombera dessus et ils mourront’ (9,19) On apprend également que suite à la grêle une partie de la récolte était compromise puisque le lin et l’orge furent frappés par la grêle (9, 31). On voit que ces autres frappes avaient vraiment des
répercussions directes sur la vie et les premières nécessités, la nourriture, la récolte, la santé…


Or, cette frappe des ténèbres atteint autre chose… et cela est intéressant.


Qu’est-ce que cette frappe atteint, ou plutôt, qu’est-ce que cette frappe révèle ? Je dis ça parce qu’on sait que les coups et les frappes sont indiqués comme étant des signes et des miracles, des signes et des prodiges et ici, je pense que nous avons affaire à un signe. Un signe donc qui révèle autre chose, une autre réalité. Une réalité qui pose problème.

Cette réalité est clairement décrite puisqu’il est dit que pendant trois jours ‘personne ne vit son frère ni ne bougea de sa place.’ Et voilà le
véritable problème, le véritable fléau, la plaie réelle ce n’est pas tellement les ténèbres, les ténèbres ne viennent que révéler, et c’est bizarre puisque bien plus souvent les ténèbres cachent, soustraient à notre vue et compréhension, les ténèbres révèlent une terrible réalité en Égypte : le frère ne voit plus son frère ; on ne voit plus son frère, c’est à dire que ce qui est constitutif de l’humain, la rencontre face à face, la capacité de se considérer, de se respecter, pouvoir se regarder droit dans les yeux, ne pas croiser la route de quelqu’un en détournant le regard, être touché par ce qu’on voit de l‘autre, de sa vie, de ses émotions, tout cela disparaît : le frère ne voyait plus le frère. C’est cela les ténèbres. Des ténèbres opaques sur tout le pays de l’Égypte qui devraient durer trois jours.


Ces ténèbres persistantes me font penser à cette histoire d’un vieux rabbin qui demande à ses élèves à quoi l’on peut reconnaître le moment où la nuit s’achève et où le jour commence.

- Est-ce lorsqu’on peut sans peine distinguer de loin un chien d’un mouton ?
- Non, dit le rabbin
- Est-ce quand on peut distinguer le dattier d’un figuier ?
- Non, dit encore le rabbin
- Mais alors, quand est-ce donc ? demandent ses élèves.
- Le rabbi répondit
- C’est lorsqu’en regardant le visage de n’importe quel humain, tu reconnais ton frère, ta soeur. Jusque là- il fait encore nuit dans ton coeur.


Ces ténèbres où l’on ne se voit pas, où l’on ne se reconnaît pas, où l’humanité disparaît, nous font penser à d’autres textes bibliques. 


D’abord cela nous transporte au premier chapitre de la Genèse. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que la lecture de l’Exode nous invite à relire, à revisiter la Genèse. Voici donc, Genèse 1 :


Lorsque Dieu commença la création du ciel et de la terre, la terre était déserte et vide et la ténèbre à la surface de l’abîme.
Le souffle de Dieu planait à la surface des eaux. Et Dieu dit : que la lumière soit ! Et la lumière fut . Dieu vit que la lumière était bonne. Dieu sépara la lumière de la ténèbre. Et Dieu appela la lumière ‘jour’ et la ténèbre il l’appela ‘nuit’.

                       
Et ainsi c’est très bien. Avoir les ténèbres la nuit ne pose aucun problème. Au contraire, il est même nécessaire pour le cycle de la croissance par exemple, pour notre sommeil aussi. Mais lorsque les ténèbres s’installent pendant trois jours, quand finalement il n’y a plus de limitation aux ténèbres, on peut dire que le ‘tohu bohu’ s’invite en Égypte.

On voit ici , et on en a déjà parlé lors des cultes précédents, que les dix frappes constituent un bras de fer entre Dieu et les dieux. Pharaon, et on pense notamment à Ramses II, était considéré et se considérait, comme fils du dieu Ra, Ra-mses, de Ra il est le fils. Je ne peux m’empêcher d’entendre dans ce nom égyptien l’écho d’un mot hébreu ra’a’ qui signifie le mal
Or, ce dieu Ra était vénéré pour sa maîtrise de la nuit, c’est lui , le Dieu de la lumière, qui chaque matin, faisait reculer les ténèbres en ordonnant le soleil de briller de mille feux. Voici donc, que la neuvième frappe déforce le dieu Ra et sa maîtrise de la lumière. Les derniers versets de notre chapitre démontrent que pharaon non seulement se croyait fils de Ra mais a également des prétentions divines en ce qu’il se mesure au Dieu unique lorsqu’il reprend à son compte une parole qui est réservée précisément au Dieu d’Israël : celui qui voit la face de Dieu mourra….
Voici donc la prétention divine du pharaon quand il dit à Moïse : « Va t’en ! Garde-toi de revoir ma face. Le jour où tu verras ma face, tu mourras » ! Et Moïse de répondre à cette supercherie non sans ironie : « Comme tu l’as dit ! Je ne reverrai plus ta face ! ». En d’autres termes, ne vas pas t’imaginer que tu m’impressionnes ! 


En effet, Moïse ne retournera plus vers le pharaon, la dixième frappe, celle qui touchera les premier nés en Égypte, ne sera plus qu’annoncée au peuple d’Israël : le pharaon ayant franchi les limites en se prenant pour Dieu sera touché dans sa chair afin qu’enfin il écoute la parole du Dieu vivant et laisse partir le peuple hébreu.


Un autre texte qui me vient à l’esprit est la lettre de Paul aux Éphésiens. Il écrit au chapitre 5, 8 :


Autrefois, vous étiez ténèbres. Maintenant vous êtes lumière dans le Seigneur. Vivez en enfants de lumière.


Et on va voir ce qui se passe quand la lumière reprend ses droits : puisque la lumière porte des fruits . Le fruit de la lumière, écrit Paul, et c’est tout à fait le contraire de ce qui est décrit en Exode :


Et le fruit de la lumière s’appelle : bonté, justice, vérité. Discernez ce qui plaît au Seigneur. Ne vous associez pas aux oeuvres stériles des ténèbres ; démasquez-les plutôt ! Ce que ces gens font en secret on a honte même d’en parler ; mais tout ce qui est démasqué, est manifesté par la lumière, car tout ce qui est manifesté est lumière. C’est pourquoi l’on dit :
Éveille-toi, toi qui dors,
lève-toi d’entre les morts
et sur toi le Christ resplendira. (5, 9 - 14)


A sa manière, Paul reprend ici la thématique de la Genèse et de l’Exode, de la confrontation entre les puissances du Dieu de la Vie et des dieux de la mort. C’est le projet et la joie de notre Dieu, et du Christ Jésus, de créer la lumière, de nous appeler à la lumière pour que nous nous levions d’entre les morts !


Suivent alors, évidemment, des encouragements, des exhortations qui invitent à une nouvelle manière de vivre. Cette manière de vivre est
celle qui tient compte de l’autre, de la justice et de la paix : 


Soyez vraiment attentifs à votre manière de vivre : ne vous montrez pas insensés, mais soyez des hommes sensés, qui mettent au profit le temps présent, car les jours sont mauvais. (5, 15 – 16)


La lumière qui est en Dieu invite justement à être avec les autres, à célébrer ensemble, à être juste. Et cela tranche avec ce qui nous dévoile ce neuvième fléau, le fléau des ténèbres. Pendant trois jours il y eut des ténèbres opaques sur le pays d’Égypte. Pendant trois jours, personne ne vit son frère…


Nous vivons des temps étranges et je me suis demandé, ces ténèbres, est-ce qu’on les vit aujourd’hui, maintenant que ce petit virus destructeur nous tient en grippe ? J’avoue, c’était ma première association avec ce texte de l’Exode, les temps des ténèbres c’est maintenant …
Or, à bien y penser ce n’est absolument pas le cas !


Car je vois aujourd’hui un regain de solidarité impressionnante. Les gens restent sur le pont, des hommes et des femmes continuent de travailler. Et pas seulement dans les hôpitaux et maisons de retraite et de soins. Nous pouvons toujours aller faire nos courses, chercher nos médicaments, prendre le train ou le bus. Les agents de police veillent   au respect des règles strictes de confinement. Avec une force de résilience inouïe on réinvente le travail, l’école, la garderie. On voit  les voisins prendre soin les uns des autres, voisins qui se rencontrent tous les soirs à huit heures pour encourager et rendre hommage à ceux et celles qui prennent soin des nombreux malades… Les serveurs  internet et téléphonie voient exploser la consommation de minutes et gigas afin de garder ou de renouveler les liens …

Donc dans ce sens, on ne peut pas dire que nous vivons des jours de ténèbres …. puisque le frère voit le frère, la soeur voit la soeur … Même si, c’est vrai, nous traversons une réelle épreuve… Oui, comme disait Paul, les jours sont mauvais ! Mais cette épreuve de jours mauvais dévoile et fait ressortir non pas le pire de notre humanité mais le meilleur !
Et, en cela, je suis heureuse et confiante. Confiante parce que je me rends compte que, hormis quelques comportements égocentriques, insensés et manquant de toute sagesse, beaucoup de nos contemporains retrouvent aujourd’hui le sens de l’autre, le sens de la responsabilité.


Voilà ce que je voulais partager avec vous ce dimanche : Mettez à profit le temps présent car les jours sont mauvais !


Encore juste ceci … Ce dimanche nous avons triché un peu en jouant avec la luminosité naturelle. On vient de changer l’heure pour appeler l’heure d’été et on peut dire que cette heure d’été vient repousser les ténèbres d’une heure et ça fait du bien, surtout en ce moment !


Je vous souhaite à tous et à toutes un très beau dimanche. Prenez soin de vous et de ceux qui sont proches de vous. Proches qu’ils vivent avec vous sous le même toit ou dans la même rue ou parce que vous les fréquenterez demain, ou déjà aujourd’hui, à votre lieu de travail, ou encore, proches parce qu’ils sont dans votre coeur, et que vous pensez à eux et priez pour eux.


Que Dieu vous bénisse !



Je vous invite à rester en communion pendant un temps de prière :


En ces temps difficiles si chargés en émotions où ce qui est en train de se passer semble irréaliste, inconcevable, je suis forcé.e d’accepter ta présence autour de moi.
J’accueille le silence que tu es en train de créer et qui me permet de me mettre à l’écoute.
J’accueille la fermeture des magasins pour me libérer du consumérisme effréné et des biens matériels.
J’accueille la fermeture des restaurants pour apprendre à rechercher la nourriture de l’âme.
J’accueille l’isolement où tu me plonges pour rentrer dans un dialogue amoureux avec une présence bien plus belle que la tienne.
J’accueille les restrictions de mouvement pour me focaliser sur l’essentiel.
J’accepte ma vulnérabilité et la maladie pour me rappeler du don de la santé que j’ai si souvent pris pour acquis, et me rappeler que la douleur fait partie de la vie.


Je n’oublie pas de prier, au contraire, je prie sans cesse, au plus profond de mon coeur et de mon âme.
Oui, je prie en silence.
Je prie pour les malades, pour les familles des malades et pour les personnes fragiles.
Je prie pour les personnes très angoissées pour qui l’avenir semble si incertain et je n’oublie pas les plus démunis.
Je prie aussi pour les commerçants, les artisans, ceux qui ont dû fermer boutique et ceux qui devront faire des choix difficiles.
Je n’oublie pas le corps hospitalier, je les remercie pour leur professionnalisme, leur dévouement et profonde humanité. Je remercie tous ceux qui travaillent d’arrache-pied pour faire en sorte que notre pays fonctionne pour que nous ayons tous la chance d’être soignés, nourris et protégés.
Et je pense à tous les parents qui vont devoir concilier vie professionnelle et vie familiale le plus souvent dans de tout petits espaces, je leur souhaite de retrouver une vie familiale attentionnée.