Une chance à saisir

Voir le culte

Lectures bibliques : Pierre-Paul Delvaux

Accompagnement musical :

- J.S. Bach, Prélude en ré majeur, par Benjamin Thill.

- Cantique 21/16, Avec toi, Seigneur, tous ensemble chanté par Hannah El Mahi.

- J.S. Bach, Prélude en Sol majeur, par Benjamin Thill.

- Tchaïkovski, In der Kirche, par Jean-Marie Dzuba.

- Impro Proverbes XVII 21, par Jean-Marie Dzuba.

- Präludium, Bakjo Dvarionas , par Jean-Marie Dzuba.

Une chance à saisir



Par Judith van Vooren



Actes 2, 42-47


42 Ils étaient assidus à l'enseignement des apôtres et à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières. 43 La crainte gagnait tout le monde : beaucoup de prodiges et de signes s'accomplissaient par les apôtres. 44 Tous ceux qui étaient devenus croyants étaient unis et mettaient tout en commun. 45 Ils vendaient leurs propriétés et leurs biens, pour en partager le prix entre tous, selon les besoins de chacun. 46 Unanimes, ils se rendaient chaque jour assidûment au temple ; ils rompaient le pain à domicile, prenant leur nourriture dans l'allégresse et la simplicité de cœur. 47 Ils louaient Dieu et trouvaient un accueil favorable auprès du peuple tout entier. Et le Seigneur adjoignait chaque jour à la communauté ceux qui trouvaient le salut.


1 Corinthiens 14, 1-19


1 Recherchez l'amour ; ayez pour ambition les phénomènes spirituels, surtout la prophétie. 2 Car celui qui parle en langues ne parle pas aux hommes, mais à Dieu. Personne ne le comprend : sous l'inspiration, il énonce des choses mystérieuses. 3 Mais celui qui prophétise parle aux hommes : il édifie, il exhorte, il encourage. 4 Celui qui parle en langues s'édifie lui-même, mais celui qui prophétise édifie l'assemblée. 5 Je souhaite que vous parliez tous en langues, mais je préfère que vous prophétisiez. Celui qui prophétise est supérieur à celui qui parle en langues, à moins que ce dernier n'en donne l'interprétation pour que l'assemblée soit édifiée. 6 Supposez maintenant, frères, que je vienne vous voir et vous parle en langues : en quoi vous serai-je utile, si ma parole ne vous apporte ni révélation, ni connaissance, ni prophétie, ni enseignement ? 7 Il en est ainsi des instruments de musique, comme la flûte ou la cithare : s'ils ne rendent pas des sons distincts, comment reconnaître ce que jouent la flûte ou la cithare ? 8 Et si la trompette ne rend pas un son clair, qui se préparera au combat ? 9 Vous de même : si votre langue n'exprime pas des paroles intelligibles, comment comprendra-t-on ce que vous dites ? Vous parlerez en l'air. 10 Il y a je ne sais combien d'espèces de mots dans le monde, et aucun n'est sans signification. 11 Or, si j'ignore la valeur du mot, je serai un barbare pour celui qui parle, et celui qui parle sera pour moi un barbare. 12 Vous de même : cherchez à être inspirés, et le plus possible, puisque cela vous attire ; mais que ce soit pour l'édification de l'assemblée. 13 C'est pourquoi celui qui parle en langues doit prier pour avoir le don d'interprétation. 14 Si je prie en langues, je suis inspiré, mais mon intelligence ne produit rien. 15 Que faire donc ? Je prierai inspiré par l'Esprit, mais je prierai aussi de façon intelligible ; je chanterai inspiré par l'Esprit, mais je chanterai aussi de façon intelligible. 16 Car si l'inspiration est seule à l'oeuvre quand tu prononces une bénédiction, comment celui qui fait partie des simples auditeurs pourra-t-il dire « Amen » à ton action de grâce, puisqu'il ne sait pas ce que tu dis ? 17 Sans doute ton action de grâce est remarquable, mais l'autre n'est pas édifié. 18 Grâce à Dieu, je parle en langues plus que vous tous, 19 mais dans une assemblée, je préfère dire cinq paroles intelligibles pour instruire aussi les autres, plutôt que dix mille en langues.


Prédication


Avec la crise Covid l’Eglise a traversé une période difficile. Nous sommes nombreux à avoir souffert du manque de contact et de rencontres fraternelles. Les cultes en présentiel et autres activités de l’Eglise qui rythmaient la vie de tant d’hommes et de femmes font aujourd’hui péniblement défaut dans le quotidien de bon nombre d’entre nous. Et même si nous avons tenté d’être présents les uns aux autres et tous à Dieu, d’autres manières, il n’empêche que ce fut un temps dur pour l’Eglise et ses membres. 

 

Mais, j’en suis convaincue, il n’existe pas de situation, aussi pénible soit-elle, dont on ne peut tirer quelque avantage.

Ainsi, cette période de confinement a été et est pour l’Eglise une occasion unique pour repenser ses pratiques notamment cultuelles et pour se profiler autrement. Concrètement, des groupes whatsapp ont permis à certains de maintenir le lien. De nombreuses communautés et fidèles frileux des outils de la communication moderne se sont lancés dans des projets de culte, d’étude biblique et autres, via le web. Nos cultes pour ne parler que de ce que je connais, ont été visionnés et les textes ont été lus par de nombreuses personnes qui n’ont pas l’habitude de fréquenter le Quai Marcellis. Un véritable journal pour les plus jeunes, Le petit Messager, a vu le jour. Il y a vraiment de quoi se réjouir de cette créativité qui nous a permis d’être Eglise autrement.

A l’heure où nous allons pouvoir regagner nos temples pour y tenir nos cultes, la question se pose : allons-nous retourner à la situation d’avant la crise ? Ou allons-nous d’une manière ou d’une autre, profiter de ces nouvelles expériences pour enrichir la réflexion autour de la question : comment être Eglise ?

En ce qui concerne le culte, que nous sommes donc autorisés à tenir au temple mais sous des conditions strictes, le consistoire s’est penché sur la question : mais POUR QUOI , POUR QUI, retourner au temple ? Et ce malgré les nombreuses restrictions ?

Concrètement et jusqu’à nouvel ordre, il ne nous sera pas permis de chanter, ni d’avoir de contact physique, pas de saint baiser ni d’accolade, ni même de poignée de main, pas de sainte Cène non plus ni de baptême ; nous devrons restreindre le nombre de fidèles présents… Certaines personnes recevront le conseil de rester à la maison par prudence, au vu de leur âge ou des problèmes de santé. Les restrictions comportent donc aussi une forme d’exclusion même si telle n’est pas l’intention des mesures… Au-delà des questions pratiques de l’achat du gel hydro-alcoolique, du sens de la circulation, de la désinfection et bien d’autres encore, nous nous sommes posés la question de fond : POUR QUOI le culte ? POUR QUI le culte ? Et ce avant même d’aborder la question si et quand nous allons retourner au temple pour nos célébrations.

 

Évidemment, la question de fond n’est pas réservée aux seuls membres du consistoire ; abstraction faite de l’urgence, il fallait bien prendre une décision par rapport à la reprise ou non des cultes, ce questionnement de fond est un exercice à faire avec la communauté tout entière et par chacun, chacune d’entre nous de manière personnelle.

C’est pourquoi, avant de continuer, je vous propose que nous prenions le temps de la réflexion. Je vous invite à vous poser cette question : POUR QUOI est-ce que je viens au culte ? POUR QUI est-ce que je viens au culte ? Qu’est-ce que j’espère trouver dimanche matin ? Ou encore : qu’est-ce que je vais apporter quand je me rends au temple ? Quels sont les éléments qui me paraissent indispensables pour que le culte soit réellement un culte ?

 

 

POUR QUOI , POUR QUI est-ce que je viens au culte ?

Voici quelques éléments de réflexion qui ont eu peut-être le temps de surgir :

  • Je viens pour prier et méditer
  • Je viens pour me concentrer sur Dieu et pour le louer ;

pour Lui rendre une part de ce que j’ai reçu

  • Je viens pour me ressourcer
  • Je viens pour saluer et encourager mes frères et mes sœurs
  • Je viens pour voir mes ami.e.s
  • Je viens parce que je me sens seul.e si je reste chez moi le dimanche matin
  • Je viens pour apporter simplement ma présence
  • Je viens parce que j’aime chanter ensemble
  • Je viens pour partager le pain et le vin de la Cène ; j’ai besoin de goûter la grâce de temps en temps
  • Je viens parce que je sais que je suis attendu.e
  • Je viens parce que je me suis engagé.e à préparer le repas communautaire
  • Je viens pour entendre la Parole
  • Je viens pour écouter la prédication
  • Je viens pour me rappeler à Dieu, et pour lui rappeler son monde
  • Je viens parce que je fais partie d’une communauté
  • Je viens parce que j’ai promis de m’occuper des enfants ou des jeunes
  • Je viens parce que je me suis engagé.e à m’occuper de la musique, des micros, des lectures
  • Je viens parce que cela fait simplement partie de mon être, de ma vie ; c’est ma bulle d’air, ma respiration
  • Je viens pour exprimer ma confiance à Un qui me dépasse

 

Et peut-être avez-vous plutôt pensé : mais au fait, je ne viens pas au culte ou en tout cas pas très souvent …

  • Je ne viens pas parce que je ne me sens pas concerné.e par ce qui y est échangé
  • Je ne viens pas parce que c’est tellement tôt
  • Je ne viens pas parce que j’ai du mal à me déplacer
  • Je ne viens pas parce que le dimanche est le seul jour de la semaine que je peux consacrer ma famille et à mes amis et c’est là aussi une manière de rendre un culte à Dieu ou en tout cas de célébrer la Vie
  • Je ne viens pas parce que je ne comprends rien à la prédication
  • Je ne viens pas parce que je ne me retrouve pas dans les cantiques qui sont d’une autre époque
  • Je ne viens pas parce que j’ai été heurté.e par un frère, une sœur de la communauté
  • Je ne viens pas parce que je pense qu’on n’a pas vraiment besoin de moi
  • Je ne viens pas parce que c’est plus facile et tout aussi nourrissant de regarder un culte à la télé

 

Toutes ces raisons et d’autres encore qui se sont mêlées aux notes de musique méritent qu’on y prête attention.

Je pense que le culte mérite notre réflexion, notre créativité, notre liberté de le penser à nouveau, ensemble, afin qu’il rencontre nos aspirations, nos besoins, afin qu’il redevienne pour chacun et chacune cet espace vital où bat le cœur de la communauté chrétienne.

 

J’ai pensé qu’un petit retour sur la pratique des premières communautés chrétiennes pourrait être utile dans cette démarche réflexive. J’aurais pu également commencer ailleurs, en parcourant les différents éléments fixes de notre liturgie par exemple. Mais je propose de faire cela ensemble lorsque nos activités communautaires reprendront.

 

Nous apprenons à travers les textes du Nouveau Testament, que les fidèles d’origine juive, continuaient à fréquenter les synagogues. Puis, se développait parallèlement, l’habitude de se réunir en petit groupe chez un des membres aisés de la communauté. Ainsi, l’église se réunissait dans la maison de Nympha à Laodicée (Col 4, 15), chez Chloé à Corinthe (I Co 1, 12) ,  chez Aquilas et Prisca à Ephèse (I Co 16, 19 et Ro 16, 3) ou encore chez Philémon et son épouse Apphia à Colosses (Phm 2).

Lors de leur rassemblement, marque de leur fraternité, les membres de la communauté partageaient un repas pendant lequel avait lieu le moment eucharistique, où le pain fut rompu et la coupe partagée. Repas solidaire par excellence, Paul reprend les chrétiens de Corinthe (I Co 11 ) lorsqu’il apprend que les membres n’attendent pas ceux et celles qui arrivent plus tard, après leur travail aux champs.

Dans la même lettre aux Corinthiens, (I Co 12,12), Paul évoque l’image du corps pour désigner le rassemblement de ces personnes si différentes et formant pourtant un ensemble organique où l’œil n’a pas à mépriser la main. De même, l’image des instruments de musique souligne que chaque membre peut contribuer à la vie de la communauté en apportant sa note particulière. La diversité est accueillie comme un bienfait plutôt que comme une menace.

Dans son épître aux Galates, Paul reprend une formule baptismale caractéristique pour cette nouvelle famille d’égaux : en Christ il n’y a plus ni Juif ni Grec ; ni esclave ni homme libre ; il n’y a plus l’homme et la femme…(Ga 3, 28). Il faut souligner ici que la radicale nouveauté de cette égalité a rencontré assez vite quelques résistances. Mais nous savons que les femmes par exemple ont joué un rôle actif depuis le début de l’Eglise, à côté des hommes. Comme eux, elles enseignaient, chantaient et prophétisaient. Que certains ont compris les réprimandes de Paul à l’adresse des femmes trop enthousiastes comme argument pour priver l’Eglise de cette remarquable avancée dans l’émancipation est regrettable (I Co 11, 5 ;  I Co 14,35).

 

En ce qui concerne les éléments cultuels nous apprenons que le chant a déjà sa place au culte où chacun des membres est invité à apporter un cantique de son choix (I Co 14, 26).  L’enseignement, cette ancienne habitude de scruter les Écritures, peut lui aussi être apporté par l’un des membres, le but étant toujours l’édification commune (I Co 14, 26).

S’inscrivant toujours dans la tradition de la synagogue, la prière et la prophétie occupent une place importante dans les célébrations et on apprend que plusieurs membres de la communauté s’y appliquent. Certains avec un enthousiasme littéralement débordant. La même chose peut être constatée concernant le parler en langues. A chaque fois, Paul exhorte à la modération afin que les dons soient exploités au vu de l’édification de l’Eglise dans son ensemble (I Co 14,12) Dans une assemblée, écrit Paul, je préfère dire cinq paroles intelligibles pour instruire aussi les autres, plutôt que dix mille en langues. (I Co 14, 19). On remarquera le souci qui doit toujours être le nôtre de parler un langage compréhensible, un langage qui fait sens.

Ce qui m’interpelle aussi c’est la conviction de Paul que l’esprit et l’intelligence sont les deux moteurs de l’expression liturgique. Il n’y a pas entre ces deux vecteurs puissants une concurrence stérile mais bien plutôt une émulation féconde.

Finalement, quant au moment des assemblées, on comprend qu’au tout début de l’Eglise elles pouvaient avoir lieu à n’importe quel jour de la semaine (Ac 2, 42 ; 46) Mais rapidement, le premier jour de la semaine, jour de la résurrection, fut choisi par l’Eglise comme jour par excellence pour se réunir (Ac 20,7) . Quatre éléments font désormais partie des célébrations : l’enseignement, le partage des biens, la fraction du pain et les prières (Ac 2, 42).  La Didachè ou Enseignement des Douze apôtres, petit livre datant de la fin du premier siècle précise déjà : « Réunissez-vous le jour dominical du Seigneur, rompez le pain et rendez grâce, après avoir confessé vos péchés ». (Didachè XIV, 1).  Jusqu’à nos jours, le dimanche rappelle par son nom, l’appel à réserver un moment de la semaine pour célébrer le Seigneur : Dies Dominicus, Jour du Seigneur, dimanche.

 

Voici ce que je retiens de ce rapide tour d’horizon :

L’Eglise primitive, l’Eglise naissante, vivait au rythme de  

  • rencontres réunissant un groupe de personnes relativement petit

autour du Christ ressuscité

  • une attention particulière y est apportée à la relation entre les membres
  • qui se rassemblent pour chanter, prier et apprendre, dans un enthousiasme parfois débordant tout en valorisant la capacité de l’homme à discerner par l’intelligence ce qui est bon et utile à l’édification de tous
  • la diversité y est valorisée ; l’assemblée est composée de personnes qui n’avaient pas vocation à se rencontrer car appartenant à des classes sociales et cultures différentes
  • la solidarité est également de mise ; il n’y règne pas l’esprit du self-service ; une attention particulière est portée aux plus petits
  • il y a une participation active d’un grand nombre de membres, peu importe leur sexe, leur appartenance culturelle ou leur statut social
  • c’est l’occasion pour célébrer le lien entre les humains et leur Créateur

 

Deux mille ans d’histoire ont abouti à des formes et contenus de célébration qui ne répondent peut-être plus entièrement à ces traits d’origine. Normal, l’être humain que nous sommes et le monde que nous habitons évoluent. Nos questions, nos besoins, nos aspirations prennent les goûts et les couleurs aussi variées que nos réalités de vie sont riches et diversifiées.

 

Demain ou après-demain nous reprendrons nos cultes au Quai Marcellis et ailleurs. Toute situation de crise porte en elle les prémices d’un renouveau. C’est cela aussi la foi pascale. Ainsi, les quelques mois de distanciation d’avec nos habitudes ont éveillé peut-être en nous le désir d’entamer cette réflexion, libre et créatrice, sur la manière dont nous pouvons exprimer notre émerveillement d’être là. Réfléchir aussi sur ce que nous voulons partager et avec qui et avec quelles paroles, quels gestes. Bref, repenser notre présence les uns aux autres, au Dieu et au monde… J’ai hâte !