Incroyable Talent !

Incroyable talent !


Temps de culte mitonné avec talent par quatre pasteures du District de Liège de l'Église protestante unie de Belgique :

Heike Sonnen (Verviers Laoureux & Spa)
Marie-Pierre Tonnon-Louant (Seraing Centre)

Françoise Nimal (Verviers Hodimont)

Judith van Vooren (Liège Marcellis)



Voir le culte


Matthieu 25,13-30


13 Veillez donc, car vous ne savez ni le jour ni l’heure.

14 « En effet, il en va comme d’un homme qui, partant en voyage, appela ses serviteurs et leur confia ses biens.

15 A l’un il remit cinq talents, à un autre deux, à un autre un seul, à chacun selon ses capacités ; puis il partit. Aussitôt 

16 celui qui avait reçu les cinq talents s’en alla les faire valoir et en gagna cinq autres. 

17 De même celui des deux talents en gagna deux autres. 

18 Mais celui qui n’en avait reçu qu’un s’en alla creuser un trou dans la terre et y cacha l’argent de son maître. 

19 Longtemps après, arrive le maître de ces serviteurs, et il règle ses comptes avec eux. 

20 Celui qui avait reçu les cinq talents s’avança et en présenta cinq autres, en disant : “Maître, tu m’avais confié cinq talents ; voici cinq autres talents que j’ai gagnés.” 

21 Son maître lui dit : “C’est bien, bon et fidèle serviteur, tu as été fidèle en peu de choses, sur beaucoup je t’établirai ; viens te réjouir avec ton maître.” 

22 Celui des deux talents s’avança à son tour et dit : “Maître, tu m’avais confié deux talents ; voici deux autres talents que j’ai gagnés.” 

23 Son maître lui dit : “C’est bien, bon et fidèle serviteur, tu as été fidèle en peu de choses, sur beaucoup je t’établirai ; viens te réjouir avec ton maître.” 

24 S’avançant à son tour, celui qui avait reçu un seul talent dit : “Maître, je savais que tu es un homme dur : tu moissonnes où tu n’as pas semé, tu ramasses où tu n’as pas répandu ; 

25 par peur, je suis allé cacher ton talent dans la terre : le voici, tu as ton bien.” 

26 Mais son maître lui répondit : “Mauvais serviteur, timoré ! Tu savais que je moissonne où je n’ai pas semé et que je ramasse où je n’ai rien répandu. 

27 Il te fallait donc placer mon argent chez les banquiers : à mon retour, j’aurais recouvré mon bien avec un intérêt. 

28 Retirez-lui donc son talent et donnez-le à celui qui a les dix talents. 

29 Car à tout homme qui a, l’on donnera et il sera dans la surabondance ; mais à celui qui n’a pas, même ce qu’il a lui sera retiré. 

30 Quant à ce serviteur bon à rien, jetez-le dans les ténèbres du dehors : là seront les pleurs et les grincements de dents."


Prédication


Si nous avons à la maison, une Bible qui offre des titres aux différents passages  en divisant de ce fait le texte de manière artificielle, cette parabole des talents commence au verset 14 : « Il en va comme d’un homme partant en voyage… »


La semaine dernière, si vous vous en souvenez, le texte proposé était celui des dix jeunes filles, les unes prévoyantes, les autres imprévoyantes. Dans ce texte qui précède tout juste notre passage de ce jour, les cinq follettes dont les lampes avaient manqué d’huile étaient parties en acheter, en respectant les consignes de sécurité, et pendant ce temps, le marié entrait pour la noce, entrainant avec lui les cinq jeunes filles avisées qui tenaient leurs lampes allumées pour l’accueillir. Et le passage se terminait par ce verste 13 : « Veillez donc puisque vous ne connaissez ni le jour, ni l’heure ! »


Il est dommage de commencer la parabole des talents sans reprendre ce verset, charnière thématique entre les deux paraboles.


« Veillez, car vous ne connaissez ni le jour ni l’heure. »

Et quand on prononce ces paroles, beaucoup l’entendent comme un glas sinistre, en l’associant à l’heure du rendez-vous avec la grande faucheuse ! Or, sans vouloir redire toute la prédication de ma collègue Judith, il est plutôt question de connaître le jour et l’heure de la noce !



Dans le texte de ce jour, un homme part longtemps en voyage. Il a une manière bien à lui de préparer son absence : il a trois esclaves dont il connaît les capacités de gestion, esclaves auxquels il confie ses talents. Le talent évoqué ici n’est pas un talent artistique, mais bien une unité monétaire d’une certaine importance. Nous dirions aujourd’hui que cet homme confie de belles liasses de beaux gros billets à ses esclaves ! Ce qui est rigolo, c’est qu’on ne peut s’empêcher de penser spontanément que le maître aurait été plus avisé de ne confier tous ses biens qu’au premier esclave, confiant aux deux autres la tenue de la maison, la cuisine, le nettoyage et le repassage ! Il est curieux de constater qu’inconsciemment, nous pensons que le premier esclave a reçu plus, qu’il a une plus grande capacité de gestion que les deux autres.

Mais si nous calculons bien, en fait, les deux premiers esclaves ont obtenu exactement le même rendement : celui qui avait reçu 5 talents a pu en rendre  5 de plus, et celui qui en avait reçu 2 a pu en rendre 2 de plus… Chacun de ces deux là a doublé ce qu’il avait reçu en gestion.



Mais, la parabole nous le dit clairement, ce qui pose problème, c’est la gestion du troisième esclave, celui qui n’a absolument pas fait fructifier le talent qui lui avait été confié.  De nos jours, on ne peut s’empêcher de penser : « Beh, il n’a pas tout dépensé, et c’est déjà ça !!! », mais bon, pour un esclave, ce n’était pas une option envisageable !
Donc : il a reçu son talent. Et… il a eu peur !
Alors il l’a enterré au fond du jardin, pour n’avoir plus à y penser, pour se sentir débarrassé de cette encombrante responsabilité.


Le maître part longtemps. Dès qu’il revient, il demande des comptes à ses trois esclaves. La fin de l’histoire est terrible : « On donnera à celui qui a, et il sera dans l’abondance, mais à celui qui n’a pas, on enlèvera même ce qu’il a !
L’esclave inutile, chassez-le dans les ténèbres du dehors, là où sont les pleurs et les grincements de dents… ! » Dehors, là où l’esclave inutile avait enterré son talent, le rendant ainsi inutile !      Dehors…
Allez donc faire de l’évangélisation avec une conclusion pareille !

  
Pourtant, nous dit le texte, l’homme connaissait les capacités de chacun, et il a voulu responsabiliser chacun : ça c’est un bon début, pour une campagne d’évangélisation ! Mais quelque chose est venu s’immiscer dans ce beau projet.
Ce quelque chose, c’est la peur. La peur qui paralyse. La peur stérile. La peur qui empêche d’envisager l’à venir…



Dans la fin de ce texte, comme dans la fin de la parabole qui précède avec les dix jeunes filles, on sent une urgence. Fini les paraboles Bisounours !
Le message de l’évangile doit être fort, clair et radical !
Il y a urgence car dans quelques heures, Jésus sera arrêté et il ne pourra plus enseigner, il ne pourra plus partager avec ses disciples ce lien intime qui le relie au Père, cette foi qui l’habite et pour laquelle il est prêt à donner sa vie…

Malgré toutes ses mises en garde, il y a une urgence dont les disciples ne semblent pas prendre la mesure…


Pour aller plus loin, je nous invite à ne pas nous focaliser sur le fait que les talents dont parle le texte représentent une somme d’argent, mais à saisir plus largement le message : quelque chose de grande valeur nous est remis, afin que nous en fassions bon usage, afin que nous en ayons une bonne gestion, afin que nous puissions exercer nos capacités à faire fructifier ce qui nous est confié.


Le texte biblique, qui est pour nous parole de Dieu, rejoint les hommes au coeur de leur Histoire !
Lorsque je parle de ce qui nous est confié et de la nécessité d’une bonne gestion, évidemment, tout le monde pense à…
Non ! Pas à notre gestion de la pandémie de la Covid 19 !!!  Allons !!! Parlons un peu d’autre chose ! 
Jésus nous offre ici une parabole, parole d’invitation à gérer sans peur les nombreux « biens » qui dépendent de nous. Nous sommes responsables de nos pensées, nos paroles et nos actes pour faire régner la paix en nous et autour de nous. La paix est un trésor qu’il ne faut pas aller enterrer au fond du jardin !
Nous sommes aussi appelés à être des ouvriers de justice, et nous avons chacun et chacune, une capacité à oeuvrer par exemple pour la justice climatique dans de nombreux gestes de notre quotidien. Nous connaissons les profonds changements climatiques qui influencent en ce moment toutes les parties du monde. Ce sont des changements qui impactent la survie d’une multitude d’êtres vivants: montées des eaux avec disparitions de terres habitables, chaleurs excessives, vents violents, fonte des régions glaciaires, bouleversement en cours pour les cultures et les forêts…
N’oublions surtout pas la prise de conscience et la certitude de l’urgence qui ont fait descendre les jeunes du monde entier dans les rues, à de nombreuses reprises, avant la pandémie ! N’o ublions pas que des familles entières ont pris la décision de limiter leur empreinte écologique ! N’oublions pas que des entreprises et des communes ont investi dans une meilleure gestion des
énergies et des déchets… N’oublions pas que de nombreuses églises, de nombreuses communautés de croyants ont multiplié les actions concrètes afin d’être des acteurs constructifs du monde qui vient…

N’oublions pas tous ceux qui surmontent leurs craintes, acceptent leur part de responsabilité, tous ceux qui enterrent leurs peurs pour se présenter devant le maître de maison avec des comptes en positif, ceux qui trouvent la force et le courage de faire fructifier la terre qui nous est confiée.


Si l’on pense à notre gestion des changements climatiques en cours, la fin de la parabole est assez parlante : « On donnera à celui qui a -qui a prévu, qui s’est adapté, qui a accepté ce changement-, et il sera dans l’abondance ! Mais à celui qui n’a pas -qui n’a pas accepté ses responsabilités écologiques, qui, par peur, a préféré enterrer son avenir- on enlèvera même ce qu’il a ! »



Et puis, il nous faut bien en convenir : parfois, ce sont des préoccupations bien loin du changement climatique, bien loin de la pandémie mondiale, qui mobilisent toutes nos capacités. Ce que nous avons de plus précieux, alors, c’est la santé, la nôtre ou celle d’un proche… L’amour au sein d’un couple, au sein d’une famille, l’amour qui parfois s’étiole et s’épuise face aux défis du
quotidien… L’école ou les projets professionnels…
Notre bien le plus précieux peut devenir un sujet de grande préoccupation.
Alors, comme le troisième esclave de notre parabole, nous pourrions être tentés de creuser un trou profond, d’y déposer notre souci, de reboucher le trou et de tasser un peu la terre pour un résultat le plus discret possible, afin de donner l’impression de n’avoir rien à faire avec cette responsabilité là !


Pour nous aider à enterrer nos peurs plutôt que nos talents, nous pourrions résumer la parabole de ce jour en quelques verbes :
Confier : l’homme qui part en voyage confie ses biens… Qu’est-ce qui nous est confié ? Si déjà nous pouvons nous limiter dans un premier temps à ce qui nous est confié, afin de le gérer sans peur, selon nos capacités, ce sera déjà pas mal…
Et n’oublions pas que notre parabole prévoyait aussi l’éventualité de placer le dernier talent à la banque ! Nous en avons peu parlé, mais la parabole nous y invite : nous pouvons aussi nous faire aider et confier, faire confiance à autrui, pour gérer avec nous ce qui est sous notre responsabilité ! Se laisser aider, c’est aussi avoir une bonne gestion de ce qui nous est confié !


Confier… Et recevoir : les esclaves reçoivent chacun une grosse responsabilité, chacun selon leur capacité. Qu’est-ce qui est sous notre responsabilité ?


Ce texte, comme d’autres dans la Bible, ce texte affirme que nous recevons chacun selon nos capacités,…


Confier, recevoir et rendre ! Les esclaves ont dû rendre ce qui leur a été confié.
Quel enseignement ! Même ce pour quoi nous devons dépenser des trésors d’énergie, des trésors d’ingéniosité, nos forces sans compter… Ce qui nous est confié et dont nous acceptons la responsabilité, eh bien ça ne nous appartient pas ! Il faut savoir rendre… Ce sur quoi nous pouvons -ou devons- lâcher prise pour le rendre, soyons-en sûrs, cela se calculera avec un rendement dédoublé,
dédoublé par l’amour, le temps, l’énergie, la patience, la passion, la foi, la confiance, l’audace, la pugnacité, et toutes les capacités que nous y aurons consacrées !...
Confier, recevoir et rendre.


Frères et soeurs, pouvons-nous relire cette parabole des talents sans apriori et sans crainte ? Pouvons-nous la relire avec la perspective de la noce annoncée précédemment ? Pouvons-nous la relire comme une invitation plutôt que comme une menace ? Pouvons-nous en proposer l’essence à tous ceux qui, dans notre entourage, se trouvent paralysés par la peur, afin de les soutenir
dans l’exercice de leurs responsabilités ?
C’est tout ce que je nous souhaite car alors, tous, nous connaîtrons l’abondance promise.


Amen.